Les nuages au-dessus de Bakou avaient quasiment tous disparus ce matin pour laisser place à un soleil radieux, journée donc ensoleillée pour cette 11ème ronde. Cependant le soleil n’a pas brillé pour Etienne Bacrot, qui a probablement joué aujourd’hui la moins bonne partie de toute sa carrière contre Ernesto Inarkiev. L’unique autre partie décisive de ce jour fut celle de Wang Yue-Svidler (1-0). Le jeune Grand Maître chinois rejoint ainsi une fois de plus Alexander Grischuk à la tête du classement provisoire du tournoi.
Adams-Mamedyarov, une Française variante Rubinstein, qui a vite tourné en fin de partie égale après l'inhabituel 10...cxd4 suivi de l'excellent coup 15...Qd6! Plus tard, grâce à des coups très forts (26...g5!, 29...g4!, 30...h4! et 32...e5!) Mamedyarov était même légèrement mieux. « J'ai joué pour un avantage mais me suis retrouvé moins bien à un certain moment » a dit Adams, « et puis mon 35.Rh5+ était bien sûr une grosse erreur ». Mamedyarov avait quant à lui fait une grosse erreur avant avec 34...f4??, un moment d'aveuglement mutuel. « J'ai pensé que 35.Rxh4 f3 36.gxf3 gxf3 37.Rh5+ Ke4 38.Rxd5 Kxd5 était gagnant mais après 39.Kd3 les Blancs sont gagnants. Cela aurait pu gâcher la totalité de mon tournoi » a dit Mamedyarov.
Grischuk-Carlsen firent une Défense Slave dans laquelle Magnus vint avec une nouveauté intéressante 12…Nbd5. Grischuk a pensé pendant le jeu qu’il était mieux, mais à l’issue de la partie, il a appris par Shipov (et l’ordinateur) que les Noirs étaient OK tout le temps. « Mais la position des Noirs avaient l’air suspecte » pensa Grischuk. Carlsen avait aussi le sentiment d’être moins bien : « Mon 14...c5 était probablement prématuré. J’ai dû trouver une espèce de solution d’urgence et cela m’a surpris que les Blancs ne gagnent pas; j’ai été chanceux ». Grischuk a particulièrement aimé 22...Rfd8 : « un grand coup ». Selon Shipov, le moment critique de la partie a eu lieu au 23ème coup. Les Blancs auraient pu sauver des chances de victoire avec les coups suivants : 23.Rfd1 Rxb2 24.d5! Bd7 25.Rdc1! A la place, Grischuk a manqué la simplification qui s’en suivait et ne pouvait garder la tension.
Aujourd’hui, nous avons pu voir ce que la fatigue peut faire un à homme. « La grosse erreur du tournoi ». Bacrot décrit son 23.Qe7+?? qui a tristement mis fin beaucoup trop tôt à la partie la plus excitante de la ronde à savoir Bacrot-Inarkiev. « C’est le résultat de la Règle de Sofia » releva Inarkiev par la suite. « Il avait utilisé toute son énergie et dans cette position il avait déjà perdu beaucoup de temps ». C’est dommage parce que de la Ruy Lopez d’Echange (normalement avec de fortes tendances de nulle) la bataille a tourné en un véritable suspense. Bacrot a cherché une victoire forcée mais ne parvenait pas à la trouver, et en position finale il ne lui restait plus que cinq minutes. « 10...h6 n’est pas si bon; après 10...0-0-0 je jouerais pour une nulle » a-t-il dit. Inarkiev ajouta à cela les coups 11.Ng5 Qxd1 12.Rxd1 Bxg5 13.Bxg5 Re8 qu’il évalua aussi comme égal. Plus tard les Blancs manquèrent une grande opportunité avec 17.Nxc7! Rc8 18.Ne6 Bd6 19.Nc5 fxe5 20.Nxd7 Kg7 21.Ndxe5 Qe6 22.b3! puis les Blancs continuent d’attaquer, en ayant deux pions pour un échange et un gros avantage dans le centre (Shipov).
La partie Karjakin-Radjabov fut un intéressant duel théorique; dans une ligne importante de la Sveshnikov, Karjakin joua 21.Rad1 et dit ultérieurement : « J'ai pensé que c'était nouveau mais apparemment cela a déjà été joué auparavant ». Radjabov ne connaissait pas non plus le coup; il réfléchit pendant environ 45 minutes et joua l'imprécis 21...a3. Shipov préfère 21...Bc6!? avec l'idée de 22.Qg3 0-0! 23.Qxe5 Bd6!. Dans la salle de presse, Igor Nataf, le secondant de Radjabov exposa la ligne 22.Nxe7 Qxe7 23.Qd5! qui est peu plaisante pour les Noirs. Après la continuation de Karjakin, la partie s'acheva presque par force en nulle avec une finale de tours.
La partie Cheparinov-Kamsky a suivi un chemin similaire : beaucoup de théorie qui ont rapidement conduit à une position quasiment égale, puis de nombreux échanges menèrent à une finale de tours qui aboutit en nulle. Cheparinov avait le sentiment d'avoir un avantage : « Mais il a bien joué et je n'ai pas trouvé les bons coups pour maintenir la pression ». Kamsky l'appela « une sorte de ligne forcée » [ils ont suivi la récente partie Sargissian-Hou Yifan, Mérida 2008 jusqu'au 21.Rac1 - PD] et après 21...a5 ce n'était pas si facile pour les Blancs de prendre l'avantage ». Shipov a aimé ce mouvement de pion, une nouveauté qui a immédiatement résolu les problèmes d'ouverture des Noirs. « En avançant le pion, le Grand Maître américain détruisit l'aile-dame et eut un excellent contre jeu. Je ne pouvais pas trouver d'amélioration pour les Blancs pour la suite ».
Svidler a des problèmes de calculs (concentration !?) ici à Bakou, et aujourd'hui cela lui a couté sa partie contre Wang Yue. Le joueur chinois pensait que les Blancs devraient avoir un plus en sortant de l'ouverture, mais Svidler n'en était pas si sûr : « Si les Noirs jouent juste leurs coups et arrivent à survivre, leur position est bonne ». Et c'est ce qu'il a fait, pendant un moment, jusqu'à ce qu'il manque le 15...Bxe5! (avec l'idée de 16.Bxe5 Nc6), avec un jeu confortable pour les Noirs (Shipov). Après le fort coup des Blancs 18.e4! c'est mal allé pour les Noirs : « Après 18...Bxe5 19.Bxe5 Qd7 j'avais pris en considération 20.Qxd7 Rxd7 21.Bg4, mais d'une manière ou d'une autre, j'ai manqué de considérer 18...Bxe5 19.Bxe5 Qxc6 20.Qxc6 Nxc6 21.Bg4 ». Bouger la tour de d8 à f8 au coup 22 aboutit aussi à une terrible position, Svidler a donc décidé de sacrifier un échange, mais par la suite il considéra cette finale comme « objectivement perdue ». En bref, ce fut une partie nettement en-dessous du niveau habituel de Svidler, mais néanmoins bonne pour le Grand Maître chinois.
Navara-Gashimov firent une bataille difficile qui tint l'audience en haleine du début à la fin. Un Dragon Accéléré (Système Maroczy) qui commença calmement, mais les joueurs le transformèrent en une lutte féroce avec les coups agressifs 15.f4 et 15...f5. Selon Shipov, les Blancs ont manqué le fort coup 20.Nc3!. « Après l'ouverture, j'avais un léger avantage » a dit Navara « mais je n'ai pas réussi à le prouver et juste avant le contrôle du temps ma position était très suspecte ». Gashimov pensa la même chose : « Après 26...e4 ma position était très bonne mais en difficulté avec le temps j'ai commis des erreurs ». Cela semblait menaçant, le cavalier Noir en d3 et ses pièces en file g, mais Navara prouva une fois de plus ses talents de défenseur avec des coups tels que 36.Qa1! et 40.g4!. Lors de la conférence de presse Navara exposa quelques variantes attractives qu'il réussit à éviter, comme par exemple 35.Rdxd3? (avec l'intention 35...exd3 36.Re6+ Rg6 37.Ne7! +-) 35...Rxg2! 36.Rd1 Qb2! -+.
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Aujourd’hui, nous avons pu voir ce que la fatigue peut faire un à homme. « La grosse erreur du tournoi ». Bacrot décrit son 23.Qe7+?? qui a tristement mis fin beaucoup trop tôt à la partie la plus excitante de la ronde à savoir Bacrot-Inarkiev. « C’est le résultat de la Règle de Sofia » releva Inarkiev par la suite. « Il avait utilisé toute son énergie et dans cette position il avait déjà perdu beaucoup de temps ». C’est dommage parce que de la Ruy Lopez d’Echange (normalement avec de fortes tendances de nulle) la bataille a tourné en un véritable suspense. Bacrot a cherché une victoire forcée mais ne parvenait pas à la trouver, et en position finale il ne lui restait plus que cinq minutes. « 10...h6 n’est pas si bon; après 10...0-0-0 je jouerais pour une nulle » a-t-il dit. Inarkiev ajouta à cela les coups 11.Ng5 Qxd1 12.Rxd1 Bxg5 13.Bxg5 Re8 qu’il évalua aussi comme égal. Plus tard les Blancs manquèrent une grande opportunité avec 17.Nxc7! Rc8 18.Ne6 Bd6 19.Nc5 fxe5 20.Nxd7 Kg7 21.Ndxe5 Qe6 22.b3! puis les Blancs continuent d’attaquer, en ayant deux pions pour un échange et un gros avantage dans le centre (Shipov).
