En battant son compatriote Ernesto Inarkiev, Alexander Grischuk reprend aujourd’hui à nouveau seul la tête du classement provisoire, car Gashimov et Wang Yue ont tous les deux réalisé une partie nulle, contre respectivement Cheparinov et Bacrot. Ce fut une ronde avec quelques nulles rapides et quelques grandes erreurs, probablement dues à la fatigue. Heureusement pour les joueurs le deuxième jour de repos est pour demain !
Après environ 2,5 heures de jeu, la première partie à prendre fin aujourd'hui fut celle de Cheparinov-Gashimov. Sans aucune préparation, Gashimov est arrivé avec une nouveauté très intéressante (8...f5) dans une importante ligne de l'Indienne Nimzo - un exploit déjà relativement remarquable ! (« Je voulais juste jouer quelque chose de nouveau aujourd'hui - VG »). Les Blancs ont eu un léger avantage, mais vraiment pas beaucoup. Quelques manœuvres précises (17...Bxd5!, 19...Nd7!, 22...Qe7!) permirent aux Noirs d'atteindre une position très solide et prêts à attaquer le faible pion des Blancs en c3, mais 23.Bc6! était très fort. « Puis je n'avais plus rien à jouer » a dit Gashimov. Les Blancs n'avaient rien non plus, alors que faire dans un Grand Prix ? « Finalement nous avons dû aller pour cette stupide triple répétition » répondit clairement Cheparinov.
« Un Dragon de la Sicilienne jouée précédemment finit avec 2 rois sur l'échiquier », n'est-ce pas excitant ? Malheureusement la partie de Karjakin-Carlsen fut la seconde de la ronde à finir en nulle, après que la position soit devenue tarie relativement rapidement. Les trente derniers coups environ furent joués rapidement par les joueurs pour atteindre la nulle (et le jour de repos) aussi vite que possible. Un Karjakin fatigué, qui avait souffert 5 heures la veille, expliqua « J'étais avant la ronde dans une humeur combative, mais derrière l'échiquier je n'arrivais plus à calculer une seule variante alors j'ai décidé de tout échanger et d'aller pour une nulle. La finale de tour était peu plaisante et les Noirs auraient pu essayer 38...Rd1 au lieu de 38...Kb6 ». Carlsen a manqué ce coup car il « ne réfléchissait plus autant ».
Adams a battu Svidler avec une facilité surprenante - le Russe a joué une idée intéressante dans la Najdorf de la Sicilienne mais a par la suite rapidement fait une erreur. « J'étais relativement content avec 15...Qb8 [qui semble être une nouveauté - PD] puisque les tours appartiennent à la colonne c. Dans cette position les Blancs avaient deux plans pour leur cavalier en b3 : soit c1 suivi de Nd3 ou Na2-b4-d6, ou bien f1 suivi de Ne3 ou Ng3. Mon 16...Rc4 était faux: « J'ai pensé que je gagnerais un tempo avec le premier plan, mais à la place j'ai perdu un tempo avec le deuxième plan ! Puis, j'étais juste un tempo trop court dans chaque ligne ». Adams était d'accord avec Svidler que les Noirs avaient une bonne position après 16...Rc6: « C'est dur de faire quoi que ce soit avec les Blancs ». Après cela, selon Shipov, au lieu de 19...b6 les Noirs auraient dû essayer 19...Rc4!? 20.Ne3 Rd4! 21.Ncd5 Bd8! avec l'idée de sacrifier l'échange pour le pion en e4. Après le sacrifice de l'échange des Noirs les Blancs sont déjà virtuellement gagnants, mais selon Adams 33...Qg5 aurait été plus dur que 33...Qf6.
La partie de Navara-Mamedyarov fut une victoire chanceuse pour le Grand Maître Azéri. La manière dont il s'est assis à la conférence de presse, sans un sourire et regard vers le bas, montre de la compassion pour son adversaire. « J'ai complètement manqué 12.Bf4 et là les Blancs étaient légèrement mieux. Mon plan avec ...g5 et ...h5 était très risqué et après 25.Nf2 les Blancs avaient un grand avantage, peut-être même gagnant. J'ai été chanceux ». C'est intéressant de comparer cela avec l'impression de la partie de Shipov : il a considéré le jeu des Noirs agressif et intéressant, et avait l'impression que Navara se défendait sans arrêt. Le Tchèque lui-même a ressenti, comme Mamedyarov, qu'il était mieux : « Malheureusement j'ai à nouveau gâché une bonne position. L'immédiat 20.Rb1 peut être mieux mais plus tard j'ai manqué 30...Bh4 et encore quelques coups. J'aurais peut-être pu jouer 35.Qb5. » [Là les Noirs peuvent d'ailleurs répondre par 35...a4! et le pion peut être capturé. - PD] « Mais Shakhriyar a été plus fort sur la fin ».
Un autre GM local qui ne peut pas se plaindre aujourd'hui est Radjabov, qui a battu Kamsky après que l'Américain ait gâché le coup 30. « Je pense que les Noirs devraient être bons là » a dit Kamsky, et Rajabov était d'accord - il considéra 30...Qb3 très fort et planifiait de forcer la nulle là. Il a aussi suggéré 20...b5!? au lieu de 20...dxc5 mais considérait toujours la position plus ou moins égale après 27.Qxc6. « les Noirs peuvent aussi jouer 29...Rc3 suivi de 30...h5 et 31...Nh5 qui devraient être bons.». Dans l'ouverture, Sergey Shipov n'a pas tant aimé 19...Ne5 mais peut-être que c'est une question de goût.
Dans la Grischuk-Inarkiev les Noirs ont joué une ouverture très originale, combinant ...a6 et ...Rb8 avec ...e5 and ...Bf5, et ce n'était pas mal du tout. Grischuk avait encore un léger avantage et puis graduellement et habilement a commencé à dominer le jeu de son jeune rival. Inarkiev: « J'ai essayé de compliquer le jeu, puis décidé de ne pas trop perdre de temps, mais ceci signifie que je ne réfléchissais pas assez profondément et fis quelques coups douteux». Grischuk, qui a complimenté Inarkiev pour son jeu d'ouverture entreprenant, n'a pas aimé 17...Be6 et a aussi critiqué la phase d'après « la finale de fous de couleur opposée est très difficile et on peut presque pratiquement parler de défaite complète ». Inarkiev pensa que 17...Nd4 n'était pas possible mais d'après Grischuk cela l'était. Lors de la conférence de presse les joueurs échangèrent de tête les coups suivants : 18.Bxd4 exd4 19.Nd5 Rd7 20.Nxd4 Bxd4 21.Rxd4 c6 22.e4 Bg4 23.f3 Be6 24.Rdd1 cxd5 25.cxd5 Rbd8! (Inarkiev n'avait pas vu cela) « suivi de ...Bxd5 et c'est probablement une nulle » - Grischuk. Calcul impressionnant par le leader du tournoi ! A la fin, au lieu de 38...e5? 38...Kg7 était selon Shipov la dernière chance.
Une bataille très longue et difficile fut celle de Bacrot-Wang Yue, qui finit en nulle après 72 coups. Dans une ligne de la Petroff les Blancs ont eu de la pression, et le GM chinois décida de faire un échange pour un pion, et une meilleure structure. Cela paraissait fort, mais les deux joueurs ont manqué la réponse 18.Qe2! (au lieu de 18.Qg3) qui après 18...c6 19.Rb1 Bd6 20.Bf4 offre aux Blancs une version bien meilleure que celle dans le jeu - probablement un avantage gagnant selon Naiditsch, secondant de Bacrot. « Mais il est toujours très optimiste sur mes parties » dit Bacrot. Une autre erreur fut 23.Rbd1 alors que 23.Re2 aurait dû être joué. La finale fut très compliquée. Bacrot a opté pour de l'activité sur l'aile roi : « J'ai ressenti le besoin de faire quelque chose parce que les pions noirs arrivaient ! ». Tout comme son adversaire, Wang Yue ne savait pas non plus qui jouait pour la victoire après le contrôle du temps. Il regretta son 40ème coup et préféra ensuite 40...Ne4.
La 10ème ronde aura lieu vendredi 2 mai. Si vous « ne travaillez pas non plus » le 1er mai, vous aurez certainement envie et beaucoup de plaisir à regarder quelques entretiens des joueurs !?!