Non seulement il pleuvait des cordes aujourd'hui à Bakou mais aussi des demi-points. Il a plu sans discontinuer tout au long de la journée dans la capitale de l'Azerbaïdjan et à l'heure d'écrire ce rapport, il pleut encore ! Vous pensez que c'est le temps idéal pour de sensationnelles parties d'échecs, mais six parties sur sept finirent en nulle. Ce fut vraiment un jour sans pour Radjabov qui essuya une terrible défaite face à Cheparinov.
Malgré le fait que Carlsen « voulait à tout prix gagner » aujourd'hui, il n'a pas pu empêcher une nulle contre Navara, qui l'a surpris en jouant la Zaitsev de la Ruy Lopez. Le Tchèque est même venu avec une nouveauté intéressante 21...Bb7, suivie d'une belle manoeuvre 22...Be7! et 23...Bg5!, qui empêcha le cavalier blanc d'aller en d5. De cette manière il « égalisa totalement la partie », selon Sergey Shipov. Carlsen pense qu'il avait toujours un léger avantage là : « mais j'ai ensuite surestimé ma position en allant pour 35.a4. Puis après j'ai manqué 38...Qf4 39.g3? les Noirs peuvent simplement prendre en e4 ». Navara a admis n'avoir vu que le coup 35.a4 après 34...Ra6, mais « par chance ce fut seulement une nulle ».
La partie Mamedyarov-Grischuk a débuté d'une manière très prometteuse, une demi-Slave avec quelques similitudes de la Défense Tarrasch. La complication sauvage dans l'ouverture sembla avantager les Blancs. « J'ai joué 11.Qb1 pour la première fois » dit Mamedyarov, partageant un peu de sa préparation avec le reste du monde, « mais je n'ai regardé qu'à 16...Qc2 après lequel j'ai joué le coup très fort 17.Bf4 ». Grischuk dit avoir analysé cette ligne un petit peu, mais du point de vue des Blancs : « J'avais trouvé différentes façons pour les Noirs d'égaliser mais durant la partie je n'en étais toujours pas vraiment sûr. Je n'ai pas aimé y penser tout le temps et Shak est juste sorti des toilettes et marqua tous ses coups ». Mamedyarov était d'accord avec Shipov que 18.Bf4 Nc6 (18...0-0 19.Rd1!) 19.Qc1! était plus fort que ce qu'il avait joué (18.Bd2). Puis avec un série de coups précis Grischuk simplifia la position et conclut sans trop de problèmes sur la nulle désirée.
Ce fut certainement une journée pluvieuse pour Radjabov. Pour une raison ou une autre, il n'était vraiment pas en forme, et Cheparinov en profita pour battre le GM Azéri avec les Noirs. Le Bulgare a surpris son adversaire en jouant la Caro-Kann. « À un moment donné j'étais légèrement mieux et puis soudainement j'étais en train de gagner. Ce n'était pas son jour, il a tout simplement mal joué ». Radjabov : « Je suis parfaitement d'accord. Après avoir été surpris par l'ouverture, je voulais juste jouer solidement. Peut-être que 11.Nb3 était déjà une erreur ». Ce coup s'avère être une nouveauté théorique; dans cette position, Leonid Stein, le grand prédécesseur de Radjabov dans l'Indienne-Roi, avait joué le coup 11.a4 qui est meilleur, contre Vlastimil Hort, Sousse 1967 ! « Je n'aimais pas ma position après son...c5 et ...b5. Peut-être que j'aurais dû jouer Kh1 et f4 là. Mais mon jeu était ridicule d'une manière générale ». D'après Shipov 14.a4 aurait été mieux que 14.Nfd2 et la dernière chance de survie pour les Blancs était 20.Nd2 Nab4 21.Bxb4 Nxb4 22.Qb1 Rfb8 23.Ndxc4 Nxa2 24.Rxa2!.
La partie de Kamsky-Wang Yue a commencé comme une Sicilienne Rossolimo mais était finalement plus une Ruy Lopez, avec toutes les manoeuvres typiques espagnoles, y compris la bagarre pour la case d5. En forçant plusieurs échanges Wang Yue a été capable de minimiser l'avantage de son rival. Le cours des événements selon Kamsky : « Je ne m'attendais pas à la Sicilienne et décidai de jouer quelque chose de solide. Cela a ensuite tourné en une espèce de partie espagnole avec un tempo en plus pour les Noirs. J'ai sous-estimé l'idée des Noirs 17...Bh4, ...Nc6-e7-g6, ...Qd8, ...Bg5 et ...Nf4, alors j'ai dû prendre en e7 et bien sûr après c'était complètement égal ». Wang Yue pense que les Blancs auraient pu jouer Nh2-f1-e3-d5, « mais après je prends avec le fou et c'est aussi égal ». Shipov: « Le cours de la partie lisse et calme, sans aucune bataille tactique, m'a privé de l'occasion de critiquer les joueurs. Ils ont non seulement bien joué, mais ils ont aussi réalisé un résultat attendu ».
Les Noirs étaient proches de la victoire dans la partie Gashimov-Karjakin, mais Karjakin n'a pas pu dire exactement où il aurait pu mieux jouer. « Je ne suis pas sûr d'avoir eu de réelles chances de gagner » a-t-il relevé lors de la conférence de presse. Sergey Shipov pense qu'il s'agit du coup 35...h4! Au lieu de 35...a5. Karjakin a été surpris par le choix de son adversaire à l'ouverture : « Je savais qu'il jouait cette ligne parce que nous l'avions jouée dans des parties de blitz l'un contre l'autre, mais je ne l'attendais pas dans une vraie partie ». Shipov ne l'a pas du tout aimée : « l'ouverture des Blancs était simplement étrange et illogique ! Les Blancs ne devraient pas gagner un avantage de cette curieuse manière - et cela ne s'est pas passé ». Gashimov a dit qu'il « avait fait une terrible erreur » dans l'ouverture : « Je voulais prendre en h6 mais après j'ai vu qu'il pouvait juste jouer Qg5 avec échec ». Cette ligne conduit à 16.Bxh6 gxh6 17.Nxh6+ Kh8 18.Qh3 Qg5+.« Mais je pense que j'ai très bien joué sur la fin ».
La partie Svidler-Bacrot était, selon Svidler « la pire du tournoi jusque-là ». Il est clair que les deux joueurs ne pouvaient pas montrer aujourd'hui le meilleur de leur forme à cause de la fatigue - Svidler ne se sent pas à 100% depuis quelques jours déjà, alors que Bacrot a joué de tellement longues parties jusqu'ici, que c'est difficile d'éviter les erreurs. Svidler : « Je savais que 11.Qxb7 conduisait à une nulle immédiate [après 11...Be6 12.c4 Rb8 - PD] mais je ne voulais pas opter pour cela. Mais après 11.h3 Bh5 12.Rfe1 Qd7 je suis déjà un peu moins bien et par la suite il est bien sûr complètement gagnant ». Bacrot était d'accord et il n'a tout particulièrement pas aimé son 28...Nxc3. « Si je mets d'abord en échec avec 28...Qe5 c'est clairement gagnant ». Sur la fin, c'est l'activité des pièces blanches qui a ouvert une petite porte de sortie à Svidler.
La dernière partie à prendre fin se termina également sur une nulle : Inarkiev-Adams. Une « position assez typique a été atteinte, semblable à mon jeu contre Kramnik [Dortmund 2006 - PD]. À un certain moment il est venu tout près mais j'ai réussi à me sauver ». Dans un sens, cette « position typique » est similaire à un reflet du Mur de Berlin : les Blancs on un pion doublé en c et une paire de fous. Selon Inarkiev la partie était relativement équilibrée tout le temps : « J'ai pris des initiatives mais s'était quand même à peu près partout égal ». Shipov a loué la fin de jeu de Adams : « Les Noirs ont fait preuve d'une incroyable défense (41...f5!, 46...d5!) pour atteindre la nulle ».
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